Histoire de la Compagnie de navigation suisse SA Bale

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La Compagnie a été fondée le 12 février 1919 à l'Hôtel de ville de Berne sous le nom de "Coopérative suisse de remorquage" (CSR). Le canton de Bâle-Ville ainsi que quatorze autres cantons, les Chemins de fer fédéraux et environ septante-cinq entreprises privées du commerce et de l'industrie adhérèrent comme coopérateurs et financiers. Parmi eux, l'Association suisse des usines à gaz avait non seulement apporté une contribution importante , mais elle fournissait aussi des ordres de transport à cette jeune société. Son premier président a été le juriste, politicien et conseiller national Paul Speiser. La coopérative s'est d'abord concentrée sur la navigation intérieure et ce n'est qu'en 1935 que le premier navire de haute-mer fut armé.

Le 1er juillet 1919, neuf collaborateurs s'installaient dans le premier bureau au Blumenrain 16 à Bâle, près de l'hôtel des Trois Rois, sur la rive gauche du Rhin. Au début, le transport fluvial s'effectuait avec des péniches louées et à la fin de 1919, 200'000 tonnes de fret, principalement du charbon et des céréales, avaientt été transportées. Le premier directeur s'appelait Louis Groschupf  *). Jules Ott **) , qui fut le premier directeur technique, s'occupait aussi de la recherche de remorqueurs et de péniches adéquats, ce qui, à la fin de la première guerre mondiale, n'était certainement pas une mince affaire.

Le conseiller d'état et directeur des Usines à gaz de Bâle et membre de la commission de gestion de la CSR, le Dr. Rudolph Miescher, était d'avis qu'il fallait engager des jeunes personnes capables pour diriger cette nouvelle entreprise et fit engager le Dr. Nicolas Jaquet, économiste, en 1922. Il devint directeur en 1925 déjà et resta à la tête de la compagnie jusqu'à sa retraite en 1966. Jaquet était aussi colonel à l'armée et conseiller national libéral (Bâle-Ville) au parlement à Berne. Le "docteur", comme il semblait être appelé à l'interne, a fait de grandes choses pour la compagnie, mais il était aussi une personne très controversée.

En 1938, la Coopérative suisse de remorquage, aussi appelée "Schleppi" (de Schlepper - remorqueur) a été transformée en société anonyme pour devenir la Compagnie de navigation suisse SA (CNS).

Elle fusionna en 1975 avec la compagnie NEPTUN et devint la Compagnie de navigation suisse & Neptun SA (CNSN).

        1989 nouvelle pavillon>>>   srn-flagge neu

En février 2000, la Coopérative Migros, le dernier grand actionnaire, se retirait , et la CNSN a été reprise par le groupe allemand Rhenus.

1. La navigation rhénane

Si au début, le transport fluvial s'effectuait avec des péniches louées, à la fin de la première année d'exploitation il a été fait l'acquisition d'un remorqueur à roue à aube arrière, construit au chantier Cäsar Wollheim à Breslau-Cosel sur l'Oder. Il fut baptisé SCHWEIZ et fut acheminé jusqu'au Rhin à Duisbourg par des rivières et des canaux. Le Schweiz a été le premier bateau sur le Rhin à arborer pavillon suisse. Ensuite, il a été fait l'acquisition d'un premier chaland appelé Aare.

*) Louis Groschupf était aussi un membre fondateur de la Basler Rheinschiffahrt AG (Navigation rhénane bâloise - BRAG) et fonda la Lloyd SA, Bâle en 1928.

**) Jules Ott ou Julius Ott en 1928, était aussi l'initiateur du "Service de bacs" sur le lac de Zurich où il mit le premier bac, le SCHWAN, en service en 1933. Il avait été construit par la firme H. Vogt-Gut AG, à Arbon. Il avait deux hélices, chacune actionnée par un moteur diesel SLM. A sa construction, on ne lui avait pas mis de gouvernail, croyant qu'il suffirait de le piloter avec le jeu des deux hélices, ce qui se révéla complètement inefficace. C'est plus tard qu'on lui ajouta quatre gouvernails (voir le livre "Die Zürichsee Schifffahrt" de Kurt Hunziker et Robert Knöpfel, Verlag Neue Zürcher Zeitung).

Le remorqueur à roue à aube arrière SCHWEIZ, acheté en 1919, a été le premier de la compagnie et le premier remorqueur rhénan à arborer le pavillon suisse
Photo collection U. Vogelbacher

Après la guerre, l'industrie suisse a souffert du manque de travail et c'est pourquoi, en 1920, la commande de huit remorqueurs fut attribuée à la maison Buss AG à Pratteln (Bâle-Campagne). Ces bateaux ont été construits sur un chantier à Augst près de Bâle. En collaboration avec Escher Wyss AG, Zurich, le remorqueur à roues à aubes latérales, le Zurich, a été construit sur le même chantier. Il était équipé d'une turbine à vapeur System Zoelly.

D'autres remorqueurs et chalands ont suivi les années suivantes, mais ceux-ci avaient été achetés à l'étranger. Suite au refus de compagnies allemandes de garantir un service de remorquage à la CSR, deux autres remorqueurs furent commandés, le Bern et le Luzern. Le Bern, a été construit par la Machinefabriek en Scheepswerf P. Smit Jr., Rotterdam et livré en 1923. Avec ses 1480 cv, il était l'unité la plus puissante. Le Luzern a été construit par le chantier Gebrüder Sachsenberg AG, à Rosslau sur l'Elbe et il avait 1200 cv.

Quand on considère la liste des unités de la CSR, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de péniches de canal (longueur 39,5m - largeur 5,05m) adaptées aux écluses des canaux français. Cela s'explique par le fait que dans les années vingt le Haut-Rhin n'était pas encore canalisé et que les convois ne pouvaient pas passer lorsque les eaux étaient basses. Il y avait aussi dans les rapides le saut d'Istein, 10 km an aval de Bâle, qui représentait un obstacle dangereux et qui ne pouvait être passé qu'avec le tirant d'eau le plus bas et qui exigeait d'avoir une grosse marge de puissance. Suite à de mauvaises expériences sur le fleuve, il a été décidé, en 1923, d'utiliser le canal du Rhône au Rhin à partir de Huningue jusqu'à Strasbourg. C'est pourquoi il a été fait l'acquisition de 12 péniches de canal d'une capacité de charge d'environ 300 tonnes. Au début, ses péniches étaient tirées par des mulets et le voyage de Strasbourg à Bâle durait huit jours. Plus tard, l'administration française installa des rails le long du canal et les péniches étaient tractées par des locomotives, réduisant le temps de voyage de moitié. La CSR avait même son propre cheptel de mulets.

A la fin des années vingt, de plus en plus en plus de bateaux ont été équipés de moteurs diesel et le transport des marchandises devint plus rapide. C'est dans ce contexte qu'une petite société de transport a été fondée à Buchs en 1934.

En Suisse, la consommation de carburant et de combustible liquides qui avait largement augmenté, à donné lieu à la fondation de la Tankreederei AG en 1935. Pour des raisons de responsabilité civile, elle était séparée juridiquement de la CSR. Deux chalands furent transformés en pétroliers et furent mis en exploitation en même temps que des pétroliers-péniches.

La mise en activité en mai 1932 de l'écluse de Kembs qui permettait de contourner le saut d'Istein ainsi que la régulation du Rhin en amont de Strasbourg, ont favorablement contribué au développement de la CSR et c'est finalement en 1935 que, pour la première fois, des dividendes ont pu être versés aux actionnaires. Mais malgré tout, en 1935, un million de tonnes de marchandises étaient encore transportées par le canal de Huningue à destination de Bâle.

Le saut d'Istein en 1927 et le chaland automoteur Helvetia de J.H. Koenigsfeld, Rotterdam
Archives photos Swiss-Ships

Le saut d'Istein le 26 décembre 2012 lors de hautes eaux. L'écluse de Kembs se trouve juste derrière la rive d'en face derrière la forêt
Archives photos Swiss-Ships

Le saut d'Istein le 8 septembre 2011 par eaux basses. Aujourd'hui, la plus grande partie de l'eau coule par le Grand canal d'Alsace, mais le surplus est versé dans le lit du fleuve au niveau du barrage de Märkt. Le saut d'Istein a une déclivité d'environ 2m.
Archives photos Swiss-Ships

En 1937, la SCR décida de transformer les vieux chalands construits à Augst et de les équiper de moteurs diesel Sulzer pour en faire des automoteurs. L'année suivante, deux bateaux de 1300 tonnes, le Rhône et le Ticino étaient transformés en automoteurs avec chacun deux moteurs Sulzer et deux hélices.

Durant la même période, le remorqueur à vapeur à roue à aube "Zurich", construit selon les plans du célèbre architecte naval suisse Dr. Adolf Ryniker, fut transformé et équipé de moteurs diesel qui doublaient sa force de propulsion. D'autres remorqueurs subirent ensuite les mêmes transformations. Suite aux bonnes expériences faites avec les moteurs diesel Sulzer, la compagnie passa la commande, en 1938, de trois grands remorqueurs diesel au chantier naval Jos. Boel et Fils à Tamise en Belgique. C'est à nouveau A. Ryniker qui conçut les plans. Au début, le projet reçut le nom de "Super-Congo" afin de ne pas alarmer la concurrence. Ainsi, l'Uri fut mis en service durant l'été 1939, juste avant le début de la deuxième guerre mondiale. Les deux autres, le Schwyz et l'Unterwalden furent mis en service après la guerre, en 1948 et 1949. Ces trois remorqueurs étaient les plus puissants du Rhin et représentaient ce qu'il y avait de mieux en remorquage.

A l'éclatement de la deuxième guerre mondiale, la navigation sur le Haut-Rhin fut interrompue jusqu'en mars 1941. Par chance, en août 1939 déjà, la compagnie avait placé des bateaux en aval de Bâle, ce qui leur permettait de faire la navette entre les ports de mer et celui de Mannheim. Du printemps 1941 à l'automne 1944, la flotte de la Compagnie de navigation suisse (CNS - anciennement CSR) assurait une part déterminante du ravitaillement de la Suisse en charbon, d'autant plus que les Allemands exigeaient que la Suisse mette ses propres bateaux pour le transport. A cause de la guerre, les capacités de transport par chemin de fer s'étaient passablement réduites et la navigation fluviale jouait ainsi un rôle d'autant plus important. Depuis Bâle, du minerai de fer provenant du Fricktal et du Gonzen, une montagne des Grisons, était acheminé aux aciéries de la Ruhr.

En octobre 1944, les conséquences de la guerre provoquèrent l'interruption de la navigation rhénane et les bateaux, selon les possibilités, furent rapatriés à Bâle. Les bateliers étaient réduits au chômage et les jeunes mousses en formation étaient employés dans les deux fermes de la compagnie à Waldenburg et Langenbruck (Bâle-Campagne) jusqu'à la reprise de la navigation à fin avril 1946.

A la fin de la guerre, en mai 1945, de longs travaux de déblaiement furent entrepris pour rendre la voie navigable qui était obstruée par de nombreuses épaves et des ponts détruits.

Les quatorze chalands qui avait été construits en série juste avant la guerre furent équipés chacun de deux moteurs Sulzer, et aussi de treuils de remorquage pour certains d'entre-eux.

Après la guerre, le charbon fut remplacé progressivement par des combustibles liquides. La circulation routière qui se développait rapidement, impliqua la construction de nouveaux pétroliers. Il y eu d'abord l'acquisition auprès de la Royal Navy (marine britannique) de huit pétroliers ravitailleurs de la Wehrmacht qui avaeint été confisqués. Il furent renommés Cisalpina 1 à 8. Le parc de pétroliers fut encore augmenté de douze unités à deux hélices construites en Belgique. Ces pétroliers reprenaient en général des chalands-pétroliers en remorque.

Un grand programme d'agrandissement de la flotte a été entrepris en 1956 , impliquant une augmentation de capital de 6 à 16 millions de francs. Il y a eu ainsi la commande de dix grands automoteurs de la classe "Strom" (Fleuve) d'une capacité de 1680 tonnes et d'une puissance de 2 x 600 cv. Puis suivirent six petits automoteurs rapides de 720 tonnes ainsi que d'autres bateaux.

Le premier bateau classe-Strom a été mis en service en 1957. Avec ses deux treuils de remorquage, il pouvait prendre deux chalands en remorque. Les bateaux de cette classe avaient un système d'ouverture des panneaux de cales ultra moderne. Montés sur roulettes, ils s'emboîtaient les uns dans les autres lorsqu'ils étaient treuillés par un filin. Il n'y avait plus ainsi le fastidieux travail d'enlever les panneaux de bois ou de fer et de les transporter à la main sur un berceau entre les cales, comme cela se faisaient sur les bateaux plus anciens. A partir de 1963, deux classe-Strom et deux "Italiens" (à cause de leur nom tessinois) étaient équipés de têtes de poussage afin de pousser les nouvelles barges d'une série de douze. Ces barges nommées BPS (Barge poussée Schottel) avaient une capacité de charge de 1000 tonnes et elles étaient équipées d'un "navigateur Schottel", un moteur à hélice orientable, qui leur permettait de se déplacer de manière autonome dans les ports. Il n'y avait qu'un seul homme d'équipage à bord. Alors que beaucoup de compagnies avaient des pousseurs pouvant pousser jusqu'à huit barges, la CNS n'en fit jamais l'acquisition, car les inconvénients de navigation sur le Haut-Rhin jusqu'à Bâle étaient considérés comme trop élevés. C'est à cette époque que furent installés les premiers radars et radiotéléphones qui s'avérèrent rapidement irremplaçables.

En 1961, il a été décidé de faire deux prototypes de "bateaux articulés". D'abord, l'Edelweiss 10 et l'Edelweiss 15, deux chalands, ont été coupés en deux et les deux parties ont été rallongées et transformées pour former un couple automoteur-barge. Elles furent baptisées selon les noms de deux couples malheureux, Tristan et Isolde et Romeo et Julia. Cette tentative se révéla inadaptée et ne fut pas reconduite.

C'est en février 1956 que deux automoteurs sous pavillon autrichien étaient mis en service pour la première fois sur le Rhin, l'Austria 1 et l'Austria 2. Ces deux bateaux appartenaient à Rohner und Gehrig à Vienne, une filiale de la CNS. Plus tard, six nouvelles unités vinrent s'y ajouter. Cela permit l'engagement de jeunes mousses autrichiens qui furent formés par la compagnie. A cette époque, on pensait encore à la faisabilité d'une voie fluviale jusqu'au lac de Constance.

Vers la fin des années soixante, la compagnie réussit à convaincre une partie des bateliers suisses de devenir des "particuliers" c'est-à-dire propriétaires de leurs bateaux qui transporteraient des marchandises pour la compagnie. En clair, cela signifiait que le batelier prenait tous les risques alors que la compagnie diminuait largement les siens. Une panne de machine, une avarie, manque de fret, tout cela était aux frais du batelier.

2. Le service des passagers sur le Rhin

Le service des passagers remonte aux années trente lorsque la compagnie invitait des clients à voyager sur leurs remorqueurs pour voir la navigation rhénane de près. On avait installé des cabines pour passagers sur le nouveau remorqueur Uri.

Après la guerre, des cabines pour 16 passagers ont été installées sur l'arrière de l'automoteur Bosco qui avait été endommagé par des bombes et cela eut un grand succès.

En 1955, la CSN décida de transformer le Bern, un vieux remorqueur à vapeur, en un bateau mixte cargaison-passagers et qui reçut le nom de Basilea. Avec ses moteurs diesel puissants, il pouvait en hiver servir de remorqueur d'appoint.

Comme la demande était grande, un service commun commença avec la compagnie allemande Köln-Düsseldorfer. L'agence de voyage Hans Im Obersteg s'occupait de la vente en Suisse pour les deux compagnies. En 1963, la CNS acquit le bateau de passagers Schwabenland, qui a été renommé Ursula, la sainte patronne de Cologne.

3. La formation de matelot

Jusqu'au début de la deuxième guerre, le personnel naviguant était composé essentiellement d'Allemands, de Hollandais et de Belges. Mais avec les évènements, le personnel se raréfiait et il ne restait pas d'autre choix à la Compagnie que de recruter et former son propre personnel.

Le bateau-école Leventina au port de Petit-Huningue Photo CNS

Durant la guerre, une péniche de canal, le Leventina,fut transformée en dortoir et en habitation et servait de bateau-école pour la formation de matelots. L'apprentissage de matelot durait trois ans, dont un cours de base de trois mois au début et un cours d'un mois à la fin sur le Leventina. Entre-deux, le jeune faisait un apprentissage pratique sur des bateaux sur le Rhin. La discipline était militaire. Le matin, à 5h45, rassemblement sur le pont en caleçon de bain, puis plongeon dans l'eau froide du Rhin. Le capitaine Peter Rösler montrait l'exemple en plongeant lui-même. Les cours étaient théoriques et pratiques: Réglementation de la circulation sur le Rhin, connaissance des machines, géographie du Rhin, hollandais, construction navale et connaissance des marchandises, pour la théorie. Et pour la pratique: nœuds, épissures, peinture, godille (faire avancer un canot avec une rame), natation de sauvetage, boxe, cuisine et entretien du bateau. Les mousses avaient un uniforme et les heures de sortie étaient strictement réglementées. Les temps changeant, la discipline devint moins rigoureuse et la formation s'adapta aux techniques nouvelles.

De 1939 jusqu'à ce que la formation de matelot soit transférée en Allemagne en1994, une centaine de cours, comptant environ 24 mousses chacun, ont eu lieu sur le Leventina. Les responsables de formation ont été successivement Paul Scheidegger, Peter Rösler et Jacob Schmid.

4. La navigation maritime

La navigation maritime commença par l'acquisition du caboteur Bernina en 1935 et de l'Albula en 1936. Ils appartenaient à Schellen Scheepvaart & Befrachting N.V. (Alpina Rotterdam), une filiale de la CNS et naviguaient sous pavillon hollandais. En 1936, pour la première fois, le Bernina partit de Londres pour remonter directement jusqu'à Bâle avec une cargaison de sucre. Schellen Scheepvaart & Befrachting exploita encore d'autres caboteurs jusqu'à l'après-guerre. Le dernier, le Tell, fut vendu en 1977 seulement.

Les capacités de transport de charbon étant devenues plus rares à cause de la guerre, l'acquisition de deux cargos, le Calanda et le Maloja, a été faite à l'initiative de l'industrie suisse du gaz en 1940. Dans un premier temps, ils ont été enregistrés sous pavillon panaméen. Au début de 1941, après la promulgation de la "Loi suisse sur la navigation maritime", les deux vapeurs furent inscrits au registre des navires suisses. Puis ce fut l'Albula en février 1942 , armé à Barcelone.

Après la promulgation de la loi suisse sur la navigation maritime en 1941, le Calanda a été le premier cargo à être inscrit au registre des navires suisses, le 2 avril 1941
Archives photos Swiss-Ships

Peu après, trois autres bateaux de la Croix rouge internationale, les Caritas I et II et le Henry Dunant ainsi que le Lugano, de la Nautilus SA à Glaris ont été également repris dans l'exploitation.

Durant la deuxième guerre, les bateaux suisses ont du être mis à disposition du Service des transports de guerre, STG à Berne, qui assura toute la coordination de leur utilisation. Le Calanda devait ainsi transporter des céréales des USA à Gènes ou à Lisbonne. Grâce à ses entreprises de transport affiliées, la CNS était parfaitement à même de collaborer avec le STG pour assurer le transport de marchandises de première nécessité pour la Suisse avec l'Albula et le Maloja à Lisbonne, en Italie ou en France d'où ces marchandises étaient acheminées en Suisse par voie terrestre. Lisbonne était la plaque tournante de tous ces transports et c'est pourquoi la CNS y ouvrit une agence, la Companhia Suissa de Navegacao Ltda, dont le bureau se situait à l'Avenida 24 do Julho, en face de la gare et du terminal du bac Cascais do Sodre. Cette agence était dirigée par Jacques Plüss.

Il faut souligner que les marins suisses, en mer et sur le Rhin, étaient les seuls Suisses à être véritablement exposés aux dangers de la guerre et que plusieurs d'entre eux le payèrent de leur vie.

Après la guerre, le vapeur Eiger a été acheté par la CNS au STG et renommé Cristallina, mais il fut revendu en janvier 1949 déjà. Par la suite deux nouveaux cargos, le Carona et le Cristallina, ont été commandés en Angleterre. Le suivant, le Basilea, était commandé en Allemagne et remis à sa filiale, l' Alpina Reederei AG de Bâle. Tous les bateaux suivants furent la propriété de cette compagnie, exceptés, le Rigi et le Regina, qui appartenaient à l'Armement Aquila de Bâle et à Regina Shiffahrt de Bâle et qui étaient des sociétés du consortium Bührle et Göhner. Dès 1948, respectivement le 31.12.1952, les deux cargos Anunciada et Allobrogia furent armés par Alpina Transports et Affrètements à Anvers.

Après la guerre, la compagnie, en collaboration avec Hans Im Obersteg, a ouvert des agences en Amérique latine, soit, , Alpina Maritima S.à.r.l, Cangallo 380 in Buenos Aires et Alpina Maritima S.à.r.l, Rua Mexico 11/10 à Rio de Janeiro ainsi qu'à Gênes.

En 1947, la filiale Alpina Transports et Affrètements SA a été fondée à Anvers. Les bureaux se trouvaient à l'Ankerui 2 entre la vieille ville et le Willemdok dans le vieux port. Cette filiale possédait aussi le vapeur Alpina qui navigua de 1948 à 1952 sous pavillon belge. L'exploitation des navires s'effectuait dès lors depuis le bureau d'Anvers et Jacques Plüss en était le premier directeur. Malheureusement, il perdit la vie dans un accident de circulation en 1952 déjà. Son successeur, un certain monsieur Oberer, responsable du service maritime, n'était probablement pas la bonne personne et il fut remplacé par l'Apenzellois J. Zuberbühler, qui , à son tour fut remplacé vers 1964 par Rolf Wohlrab. La direction technique a été assurée durant de longues années par Gustav Keller, qui était également responsable technique des affaires concernant la navigation rhénane. Il fut remplacé par Erwin Biland au début de 1973. Les activités du bureau d'Anvers furent transférées à Bâle vers 1975.

 

                                     

Alpina Transports et Affrètements S.A. Antwerpen (Photo CNS)                  Die N.V. Alpina Scheepvaart Mij. in Rotterdam

En 1962, Ernst Göhner et Dieter Bührle reprirent l' Alpina Reederei avec une participation de 25% chacun, participation qui s'éleva jusqu'à 49 1/4% en 1971. Durant cette période prospère, la compagnie posséda jusqu'à huit navires qui naviguaient tous sous pavillon suisse. Depuis la fin de la guerre jusque dans les années septante, les équipages étaient composés principalement de marins suisses, mais plus tard cette participation diminua rapidement.

Au début de 1987, l' Alpina Reederei qui assurait l'exploitation des navires de la Compagnie de navigation suisse, arrêta son activité. Le capital appartenait pour moitié chacun à la Fondation Göhner et au consortium Bührle à Zurich. L'armement de leurs deux derniers navires qui naviguaient sous pavillon suisse, les petits bateaux frigorifiques Basilea et Turicia, fut repris en février 1987 par Air/Sea Broker SA et Panalpina. Panalpina appartenait à cette époque à 100% à la fondation Göhner. Ces navires ont été transférés sans changement de nom sous pavillon chypriote. La gestion commerciale et technique était assurée au début par Panalpina, mais cette activité fut transférée à Harmstorf Shipping Co Ltd à Limassol en 1990. Ces deux derniers furent finalement vendus en 1996.

5. Places de manutention, bureaux, filiales et succursales

Les places de manutention et de stockage au port de Bâle ont été construites très tôt par la CSR.

Pour renforcer sa présence le long du Rhin, la compagnie établit des filiales ou conclut des accords avec d'autres firmes. Ainsi, la compagnie avait des bureaux à Strasbourg, Kehl, Mannheim, Duisbourg, Rotterdam et Anvers. Il y avait aussi des agences à Dordrecht, Lobith, Emmerich et St. Goar.

Après le début de la construction des ports du Rhin à Petit-Huningue en 1922, la CSR commença l'exploitation du plus grand silo à blé de Suisse avec une capacité11'000 tonnes. C'est dans ce silo "Bernoulli", du nom de son architecte, Hans Bernoulli, que les bureaux de la compagnie furent installés.

Le silo Bernoulli avec l'espace de manutention couvert en arrière-plan. Cette photo, ainsi que la suivante ont été prises un samedi en 2014. Tous les bateaux ont quitté le port avant le week-end et sont en route
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Le silo Bernoulli terminé en 1926 et l'espace de manutention couvert, construit en 1952 à l'extrémité du bassin No 1, tout près du "rocher des singes", là où se tenaient les spectateurs! A droite, le bâtiment d'exposition "La plaque tournante Suisse
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Entrée du silo Bernoulli, côté rue, avec une plaque commémorative au dessus de la porte
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La plaque commémorative à l'entrée du silo Bernoulli
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Avec l'arrivée sur le Rhin de petits automoteurs plus rapides qui se prêtaient bien aux chargements de marchandises générales, la fondation d'une petite entreprise de transports à Buchs en 1934 irrita les entreprises traditionnelles. Il en alla de même lors de la reprise de Hans Im Obersteg à Bâle, une entreprise bien établie de la place.

En juin 1943, une partie des bureaux, en particulier ceux de la direction, a été transférée du port de Bâle au Ritterhof, une maison de maître du 18ème siècle nouvellement acquise au centre de Bâle à la Rittergasse 20.

Au début des années cinquante, deux silos à blé d'une capacité de 16'000 et 20'000 tonnes ainsi que l'ultra moderne espace couvert de manutention ont été construits au bord du bassin No 1. Avec l'espace couvert construit en 1952, les opérations de manutention de marchandises, y compris les plus délicates, pouvaient avoir lieu par n'importe quel temps.

D'importantes installations de manutention ont également été érigées dans les ports de Birsfelden et de Au .

Les travaux de maintenance avaient d'abord lieu dans un atelier à l'extrémité du bassin No 1, mais en 1952, à cause de la construction de l'espace couvert, il a été transféré sur un chaland transformé en bateau atelier, le Salve Regina, qui était amarré au bord du Rhin en parallèle au bassin No 1. Plus tard, au même endroit, un bâtiment-atelier en dur a été construit en 1963. Un pont roulant pouvait déplacer les moteurs entiers du bateau à l'atelier. En dehors du personnel régulier, des mécaniciens, attendant ou revenant d'un engagement en mer, étaient employés temporairement. Ne servant plus d'atelier, le Salve Regina fut utilisé principalement comme entrepôt.

En 1954, toutes les entreprises appartenant à la CNS ainsi que ses affiliées furent intégrées à un holding, l'Alpina Transports Internationaux SA à Bâle et en même temps, Hans Göhner était élu au conseil d'administration de la CNS. Ce holding devint plus tard la Panalpina Welttransport, une entreprise de logistique ayant un réseau mondial.

Au début des années septante, le Ritterhof fut vendu à la ville de Bâle et les bureaux furent transférés dans un bâtiment neuf au Wiesendamm 4 à Petit-Huningue.

Les agences et filiales suivantes disposaient également de bateaux:

Société Franco-Suisse de Navigation S.A., Strasbourg, fondée le 10.10.1923

Action de la Société Franco-Suisse de Navigation SA Strasbourg

 

N.V. Nederlandsch-Zwitsersche Scheepvaart Maatschappij, Rotterdam, fondée le 01.07.1924. Dès 1953 :N. V. ALPINA Scheepvaart Maatschappij, Rotterdam

Les Chargeurs Belgo-Suisses S.A., Anvers, fondé le 15.03.1929. Dès 1947: Alpina Transports et Affrètements S.A., Anvers

Navalsa S.à r.l., Strasbourg, fondée le 14.09.1932

Badisch-Schweizerisches Schiffahrtskontor G.m.b.H., Kehl, fondé le 14.09.1932

Schellen Scheepvaart & Bevrachting NV, Rotterdam (1934)

Dès 1942: "Schweizer Rheinschiffahrtsgesellschaft m.b.H., Kehl

Naphta, Société de Transports à.r.l., Strasbourg, fondée le 22.01.1935

Vinotra S.A., Paris, fondée le 29.03.1935 (50% chacun: SSG & Citerna S.A., Paris)

Rohner & Gehrig Schifffahrt und Spedition AG, Vienne

SRN ALPINA, Dornbirn & Vienne

6. Prestations aux équipages, vie culturelle et publique

Une caisse maladie en faveur du personnel naviguant avait été fondée en 1926 déjà, et elle était aussi ouverte au personnel non naviguant. Juste avant le début de la deuxième guerre mondiale, en 1939, une caisse de retraite avait été fondée pour le personnel non naviguant. En 1930, la "Fondation pour le Personnel naviguant" achète le domaine Clavel à Petit-Huningue et le fait transformer en "Maison des bateliers". Elle sert d'hôtel aux équipages et de restaurant et de lieu de loisir, avec son grand parc et sa piscine, à tout le personnel. Un internat avec école pour les enfants de bateliers est construit à côté de la "Maison des Bateliers" en 1958.

En 1953, la CNS a été la première compagnie de navigation rhénane à instituer une caisse de retraite pour le personnel naviguant. Durant la même année, suite au développement des installations du port, deux cantines sont construites dans le périmètre du port.

La "Maison des bateliers" à Petit-Huningue Photo CNS

En 1944, lorsque la navigation rhénane fut interrompue, la compagnie acheta deux fermes à Langenbruck et Waldenburg pour y employer les jeunes mousses et d'autres membres du personnel . Des travaux d'amélioration ont eu lieu jusqu'en 1948.

Dès le début de son activité, la compagnie s'occupa des relations publiques, parce que sa structure légale dépendait partiellement de la confédération, des cantons et de communes et aussi parce que la partie principale de son activité se déroulait à l'étranger, ce qui n'était pas évident pour la population.

Un film sur le Rhin montrant l'activité de la compagnie a été tourné en 1922 pour le démarchage de clients et pour informer l'opinion publique. En 1926, "l'Exposition Internationale sur la Navigation Intérieure" à été organisée à Bâle avec la participation de la CSR. C'est à cette occasion que la terrasse du silo Bernoulli fut mise à disposition du public. En 1947, le film "Notre voie vers la mer", tourné déjà partiellement durant la guerre, montrait l'activité de la CNS (anciennement CSR) au service du ravitaillement du pays

La CNS a été représentée à la foire de Bâle, à l'Exposition nationale à Zurich en 1939, à l'Expo à Lausanne en 1964 et même à l'Expo universelle à Bruxelles.

A l'occasion de la célébration "50 ans de navigation rhénane vers Bâle", en 1954, la fondation "Notre voie vers la mer" a été fondée et une exposition permanente a été ouverte près du bassin No 1 à Petit-Huningue. Aujourd'hui, cette exposition continue sous le nom de "Plaque tournante Suisse".

La presse, les écoles et d'autres instances qui étaient intéressées, ont toujours reçu d'abondantes informations sur la navigation et les autres compagnies de navigations déléguaient volontiers ce travail de relations publiques à la CNS. Aujourd'hui, ce travail est délaissé par les compagnies et la conscience de l'existence de la navigation rhénane et d'une marine suisse n'est plus présente dans les esprits comme il y a cinquante ans.

7. Epoque moderne et fin

Les dividendes payés aux actionnaires par la CNS entre 1938 et 1962 étaient au minimum de 4%, mais des difficultés économiques survinrent en 1963. En dépit de mesures de restructurations, les résultats financiers de la compagnie ne purent plus être améliorés.

En 1975, la CNS fusionna avec le groupe Neptun, soit Neptun Reederei AG, Neptun Transport- und Schiffahrt AG et Navi-Fer AG et devint la "Compagnie suisse de navigation & Neptun SA", employant 1150 personnes pour une flotte commune de 118 bateaux.

A partir de 1980, la Coopérative Migros (Migros) prit une participation financière à la Compagnie suisse de navigation & Neptun SA (CSNN) en grandes difficultés. En 1984, la Migros acquit la majorité de la CSNN, mais sans grand résultat. Fin 1985, le personnel avait été réduit à 600 personnes et le nombre de bateaux à 49 unités.

Le 1er mars 1986, une collaboration entre CSNN et la Reederei Zurich pour l'exploitation commune de leurs flottes respectives a été entérinée. Malgré ces nouvelles dispositions, la compagnie subit d'importantes pertes et c'est en 1997 seulement que la CSNN put sortir des chiffres rouges.

En 1999, la compagnie fit un bénéfice d'environ 200 millions de francs, mais en dépit de ces bons résultats, la Migros retira sa participation en février 2000 et la Compagnie suisse de navigation & Neptun SA fut reprise par le groupe allemand Rhenus-Gruppe. Il fallait soi-disant un fort partenaire en logistique et transports.

Ainsi, on ne verra plus les pavillons et les logos de la CNSN et de la Reederei Zurich et surtout les bateaux de la compagnie avec leur fameuse proue à bandeau rouge à croix blanche, connus tout au long du Rhin.

Aujourd'hui, la "Taverne des marins", le local du "Club suisse des marins" installée sous un silo à blé à l'entrée du bassin No 2, rappelle "le bon vieux temps" et les 80 ans d'activité de la compagnie.

Des gens viennent y prendre le repas de midi et d'anciens marins qui habitent dans la région, des bateliers et des dockers se rencontrent pour boire une bière. Les membres du "Club suisse des marins" se retrouvent une fois par mois pour sympathiser et partager des souvenirs "à l'eau de mer".

Au foyer de la "Taverne des marins" est exposée une magnifique maquette du légendaire Basilea, mis en service en 1952 et qui sillonna les mers sous pavillon suisse pendant 26 ans
Archives photos Swiss-Ships

Sources:

- Die Rheinquellen, Bâle

- Strom und See, Bâle

- 50 Jahre Schweizerische Reederei AG - Eine Chronik

- Archives fédérales, Berne

- Divers articles de journaux

Auteur: Hans-Peter Schwab - SwissShips, décembre 2014

Traduction de l'allemand: Pierre Tschanz, mars 2015