Historique des navires
book

Ce navire polyvalent a été lancé au chantier Howaldtswerke Hamburg AG de Hambourg le 17 janvier 1961 sous le nom de STEINTOR pour le compte de la « Porta » Hamburger Reederei GmbH de Hambourg, et remis à ses propriétaires le 28 avril 1961. Ce navire était un cargo de marchandises générales équipé de 5 cales avec entreponts, le château et la machine se situant au centre. Il a navigué sous pavillon de l’Allemagne de l’Ouest et présentait différents tonnages de jauge selon les cas (pont-abri ouvert ou fermé). Il a été inscrit au Lloyd's Register sous no 5340089 avec les jauges   BRT : 6133/9100, NRT : 3521/4515, DWT : 10'660/12'880. Son indicatif d’appel était DAOZ. L’équipement de charge consistait en un « jumbo » de 30 tonnes SWL (Safe Working Load) sur le mât avant, ainsi que quatre bigues de 10 tonnes SWL chacune et 12 mâts de charge de 5 tonnes SWL.

En 1961, vendu à la compagnie partenaire M.S. "Steintor" de Hambourg (Gestion Visser & van Doornum, Hambourg).

En décembre 1971, il est vendu à la Byzantine Marine Enterprises Ltd., Limassol et rebaptisé YEMELOS avec Famagouste comme port d'enregistrement cypriote. BRT : 9101, NRT : 5415, DWT : 12'677. Indicatif d’appel 5BXC.

Le 02-11-1972, le navire est acheté par la Compagnie de Navigation Transocéanique Suisse SA. De Genève (Gestion : Keller Shipping Ltd., Bâle). Il est baptisé DAVOS. BRT : 9101, NRT : 5415, DWT : 13'020. Indicatif d’appel : HBFR. Le cargo a été repris au port de Constanta en Roumanie et acheminé vers Savone en Italie où il a été mis en service auprès de la Nautilus Line vers l’Afrique de l’Ouest.

En juillet 1973, lors d’un voyage de marchandises générales entre Marseille et l’Ouest africain, le navire se trouvait à la hauteur de Las Palmas lorsqu’un incendie s’est déclaré dans l’entrepont de la cale 3. Le feu a été combattu au moyen de l’installation fixe de gaz CO2 et la situation maitrisée jusqu’à l’arrivée au premier port d’escale, Dakar.

Une fois arrivé à Dakar, la cale a été ouverte pour constater les dégâts à la cargaison, mais aussitôt le feu a repris, s’étendant jusqu’à la cale no 2. Finalement l’incendie a pu être maitrisé, grâce à l’aide et au professionnalisme d’un remorqueur de haute mer de la Bugsier Reederei de Hambourg qui se trouvait en route à la hauteur du Cap Vert. Le DAVOS a pu continuer son voyage et a été réparé après son retour sur Valence. Près de 300 tonnes d’acier ont dû être changées (voir aussi le rapport du chef mécanicien H.R. Fuchs).

Le 09-01-1985 le DAVOS est vendu à la Navegadora Panoceanica SA de Dubaï, Il est enregistré à Kingstown, St. Vincent sous no. 2029 et rebaptisé AVOS, avec l’indicatif d’appel J8CC.

Parti de Pusan (Corée du Sud), il est arrivé le 27-05-1985 à Yantai (Chine) pour être mis à la casse. Il a été acquis par un démolisseur inconnu au prix de 135 US$ la tonne LWT.

Il a été publié que la coque devait être utilisée comme brise-lames dans le projet d’un nouveau port en Chine.

Il est cependant probable que ce ne fut pas le cas et que le bateau a repris du service en navigation côtière, sous un nouveau nom chinois.

Nous sommes toujours intéressés par d'autres informations et remercions par avance toute personne en mesure de nous les fournir.

Traduction: Francis Monnard & Pierre-André Reymond, septembre 2020

Incendie à bord
Par H.R. Fuchs, chef mécanicien

Voilà une histoire racontée par quelqu'un qui a été largement impliqué et a participé de tout près à cette aventure.  Les erreurs qui ont été commises ne se voient qu'après coup - je ne connais pas le rapport d'expertise des assureurs - mais vous pouvez croire la véracité de cette histoire.

Le dernier port de chargement était Marseille et le premier port de déchargement était Dakar. Un incendie s'est déclaré dans la cale no 3 au large de Las Palmas.

Le feu a été éteint avec les bouteilles de CO2 réglementaires qui étaient placées dans la salle de l'appareil à gouverne. Les leviers de commande en fonte grise se sont cassés lors de la tentative d'ouverture desdites bouteilles. Grâce à l'équipement de plongée du bord, les bouteilles de CO2 (qui présentaient des fuites partielles) ont pu être déclenchées individuellement.

A minuit, le feu reprit, du fait que les panneaux d'écoutille n'étaient pas entièrement étanches ; l'entrée d'air résultante a dû être bouchée avec des chiffons et du ciment. Il s’agissait de panneaux d’écoutilles en acier MacGregor.

Pendant le trajet vers Dakar, les stocks de CO2 restants ont été ajoutés au cours des 3 jours du voyage. Ceci parce qu'il y avait encore des dégagements de fumée.

Conclusion jusqu'à ce point :
- Pourquoi ne pas faire escale au port de dégagement de Las Palmas ?
- Pourquoi les panneaux d'écoutille n'étaient-ils pas bien à poste, fixés à l'hiloire de l’écoutille ?
- Le fabricant a-t-il déjà utilisé ou testé les dispositifs des vannes d’ouverture des bouteilles de CO2 ?

A l'arrivée au port de Dakar, il y eut beaucoup de palabres. Le panneau d’écoutille de la cale 3 a été ouvert. Les pompiers du port ont rampé dans la cale, mais ont rapidement signalé qu'ils n'avaient plus d'air dans leurs bouteilles. Et puis l’incendie a repris, les flammes atteignant le haut du mât. Il n'y avait pas de connexion à terre pour utiliser du CO2, il était donc plus logique de fermer l’écoutille.

L'équipage, les pompiers, une division de l'armée française et deux petits remorqueurs du port se sont battus contre l'incendie. Deux camions de pompiers de l'aéroport ont vidé leur mousse sur le DAVOS et dans le bassin du port, puis ont disparu.

Conclusion :

- Pourquoi ne pas laisser la cale fermée tant que la connexion CO2 n'est pas garantie ?

- Pourquoi ne pas d'abord localiser la source de l'incendie avec les panneaux de cale fermés ?

Les deux camions de pompiers auraient pu éteindre l'incendie s'ils s’étaient positionnés dans le parking situé en haut du bâtiment portuaire ; ils auraient ainsi pu diriger toute leur mousse dans la cale, la source réelle de l'incendie.

Un remorqueur de haute mer de la Bugsier Reederei Hamburg, en voyage de Singapour vers l'Europe, a entendu le trafic radio du DAVOS ; il a laissé sa remorque à la dérive et s’est rendu dans le port de Dakar, en stand-by, faisant des ronds dans l’eau. La discussion était autour du contrat de type "Lloyd's Open Form : No cure - no pay". Une fois signé par le navire endommagé, je vous assure mes amis, que ces gars se sont montrés être de vrais professionnels. Et ils ont une super lance à incendie ! Un bonheur ! Le capitaine von Storch avait tout sous contrôle. L'électricien du remorqueur se tenait au milieu du feu sur une poutre de l’entrepont et prenait son souffle par le jet d'eau de la lance. À ce moment-là, l'eau d'extinction atteignait déjà l’entrepont et, hélas, la cloison portée au rouge par la chaleur fit que les marchandises de la cale 2 ont également commencé à brûler.

Parallèlement, la température dans le réservoir de carburant journalier était déjà au-dessus des paramètres mesurables ; aussi, les générateurs diesel ont été éteints et le navire était sous « black-out ».

Autre erreur décisionnelle : afin d'éteindre un bateau en feu qui était stationné dans l’entrepont, l'ordre est venu de donner de la bande au navire afin que l'eau puisse envahir ledit entrepont. Donc encore une fois un " job à la mords-moi le machin" alors qu’on sait à l'avance que ça va mal tourner.

Le générateur diesel a été brièvement mis en marche pour actionner la pompe de ballast ; après environ 10 tonnes, le navire s’inclina dangereusement sur tribord en raison de l'effet de libre surface liquide.

Enfin, il y avait trois personnes à bord lorsque je suis monté sur le pont : Juan, mon capitaine, le premier officier et le capitaine von Storch du remorqueur de haute mer. Tous les autres était bien en sécurité sur le remorqueur.

Quand j'ai essayé plus tard d'expliquer à une charmante dame à Dakar que "J'ai failli chier dans mes pantalons pendant ce processus", elle a silencieusement versé une bière sur le comptoir et elle semblait être la seule à m’avoir compris.

Von Storch a crié aux gars sur le remorqueur :  „Kommt hoch, ihr Schweine“ (montez, porcs). La réponse a été unanime : « On ne va pas monter à bord, le navire va chavirer !» Et donc von Storch et moi avons dévissé les cols de cygne et aussi vite que possible nous avons rempli tout ce qui pouvait l’être sur le côté bâbord. Le DAVOS se redressa lentement et les opérations d'extinction purent ainsi être poursuivies jusqu'à leur fin.

La cargaison des deux cales, y compris celle de pont, ont été débarquées sur place à Dakar. J'ai compté quelques 80 voitures de tourisme, environ 24 camions, près de 1000 scooters Vespa et beaucoup de marchandises générales. La majorité de ces biens ont été considérés comme dommage total et ont été laissés à terre.

On a supposé que l’incendie a été causé par le fait que certains ballots de tissu en « viscose » qui se trouvaient dans la cargaison se sont chargées en électricité statique et ont émis des étincelles dans un air chargé d’essence. L'équipage a observé ce même phénomène lors d’un voyage plus tard.

Le DAVOS a poursuivi sa route. La casemate no. 2 ressemblait à une boîte de sardine mal ouverte et beaucoup de tôles d'acier s'étaient déformées à cause de la chaleur. Au retour, le navire a été réparé à Valence et environ 300 tonnes d'acier ont été remplacées.

Traduction: Pierre-André Reymond, septembre 2020